L’huile de palme 2. L'impact sur la biodiversité animale

Dans le refuge pour orangs-outans de Bukit Lawang (île de Sumatra, Indonésie).
Photo : Arian Zwegers (Licence C.C. BY 2.0)

La déforestation en Indonésie et en Malaisie, en partie liée à la production d’huile de palme, menace des espèces en danger critique d’extinction, comme les orangs-outans, les tigres et les éléphants endémiques de ces deux pays, tandis que d’autres espèces sont menacées en Afrique et en Amérique latine.

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En Indonésie et en Malaisie, des milliers d’hectares de forêts disparaissent chaque année pour laisser place à des plantations de palmiers à huile, bien que de nombreuses autres menaces pèsent également sur les forêts de l’Asie du Sud-Est (voir mon article précédent sur le sujet). Cette déforestation a des conséquences importantes pour la biodiversité locale. En particulier, plusieurs espèces emblématiques de l’Indonésie risquent de disparaître en raison de la destruction de leur habitat, mais également d’autres causes comme le braconnage.

Carte de l’Asie du Sud-Est insulaire (d’après une carte issue de Wikimedia Commons, créée par Gunkarta, sous licence CC BY-SA 3)

Les orangs-outans

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui publie une Liste rouge mondiale des espèces menacées, a classé les orangs-outans de Bornéo (Pongo pygmaeus) parmi les espèces en danger critique, c’est-à-dire la dernière catégorie avant l’extinction à l’état sauvage. Dans un article publié en 20181, des scientifiques ont tenté d’estimer le déclin des populations d’orangs-outans de Bornéo, malgré de grandes difficultés méthodologiques, en compilant des données issues d’observations de terrain : dénombrement des nids d’orangs-outans et recours à des transects (comptage du nombre d’individus rencontrés le long d’une ligne physique ou virtuelle) sur un total de 1 234 km2. Il s’agit donc d’échantillons, à partir desquels des estimations du nombre d’orangs-outans sur l’ensemble de l’île peuvent être obtenues à partir de modèles informatiques. Entre 1999 et 2015, période pendant laquelle l’étude a été conduite, le nombre moyen de nids rencontrés par kilomètre est passé de 22,5 à 10,1. L’étude permet ainsi d’estimer la perte d’environ 148 500 orangs-outans à Bornéo entre 1999 et 2015 (plus précisément, la population de Pongo pygmaeus a 95% de chances d’avoir perdu entre 48 100 et 252 300 individus). Les scientifiques estiment par ailleurs que plus de 45 000 orangs-outans supplémentaires pourraient disparaître d’ici 2050, tout en reconnaissant que ce chiffre est vraisemblablement sous-estimé et que l’espèce est en danger d’extinction. Sachant que l’étude a permis de calculer qu’il restait en 2015 environ 66 500 orangs-outans sur l’île (le chiffre exact a 95% de chances de se trouver entre 48 000 et 94 500), cela signifie que, selon cette estimation basse, environ 67,7% (soit plus précisément entre 47,6% et 93,75%, avec un intervalle de confiance de 95%) des orangs-outans présents sur l’île en 2015 pourraient disparaître d’ici 2050.

Pourtant, si la perte de leur habitat met en grave danger les orangs-outans, la déforestation et les plantations industrielles ne seraient responsables que de 7% des pertes dans la partie indonésienne de l’île, et 1 à 2% des pertes dans les régions malaisiennes de l’île. En effet, c’est dans les exploitations forestières et dans les forêts primaires que les pertes sont les plus importantes, ce qui suggère que les principaux coupables sont le braconnage et le trafic d’animaux sauvages. Ce qui ne veut pas dire que l’impact des plantations de palmiers à huile est négligeable, puisque les scientifiques estiment une perte de 14 000 individus entre 1999 et 2015 en raison de la déforestation et de la production d’huile de palme et de pâte à papier.

Une autre étude scientifique2 datée de 2015 s’est intéressée à la présence d’orangs-outans dans les plantations de palmiers à huile situées dans l’état malaisien de Sabah, sur l’île de Bornéo. Elle révèle que les orangs-outans peuvent se nourrir des fruits des palmiers à huile et même faire leur nid sur ces arbres. Cependant, les traces de leur présence n’ont jamais été détectées à plus de 400 m d’une forêt ou du moins d’un arbre ou groupe d’arbres n’étant pas un palmier, tandis que leurs nids ne sont jamais construits à plus de 150 m de distance de tels arbres ou de forêts. Ces chiffres suggèrent que l’orang-outan de Bornéo demeure dépendant des forêts et que les plantations de palmiers à huile qui en sont éloignées ne constituent pas un habitat adéquat pour cette espèce.

L’orang-outan de Sumatra (Pongo abelii) est lui aussi classé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) parmi les espèces en danger critique. Une étude datée de 20163 a estimé la population d’orangs-outans de Sumatra à 14 613 individus sur l’ensemble de l’île, soit plus du double de ce qui était estimé précédemment. Ce chiffre ne s’explique pas par une augmentation du nombre d’orangs-outans mais simplement par de meilleures méthodes de détection. Les scientifiques ont analysé différents scénarios sur l’évolution de l’espèce, en fonction des mesures qui seront prises pour sa protection. Dans tous les cas, ces scénarios prévoient une réduction du nombre d’individus, pour des raisons diverses dont fait partie la déforestation liée à la production d’huile de palme. Sur l’ensemble de l’île, le nombre d’orangs-outans devrait décliner d’au moins 14,3% d’ici 2030, voire, selon le pire scénario — qui pourrait être sous-estimé —, de 32,8%.

L’orang-outang de Tapanuli

L’un des scénarios étudiés par les scientifiques dans l’étude citée précédemment prévoit l’extinction des orangs-outans de Batang Toru d’ici 2030. Auparavant classé parmi les orangs-outans de Sumatra, l’orang-outan de Batang Toru ou de Tapanuli (Pongo tapanuliensis) est depuis 2017 considéré comme une espèce à part entière4. Les scientifiques qui sont à l’origine de ce nouveau classement ont estimé le nombre d’individus à moins de 800. L’espèce est donc en danger grave d’extinction, d’autant plus que son isolement géographique favorise la consanguinité. Parmi les menaces qui pèsent sur l’espèce, la plus imminente est la création d’un barrage hydroélectrique (voir le rapport [en anglais] publié à ce sujet par plusieurs ONG). La production d’huile de palme ne semble pas considérée comme une menace majeure pour les orangs-outans de Tapanuli (voir par exemple ici ou ), même si des milliers d’hectares de palmiers à huile ont été plantés autour de l’écosystème de Batang Toru depuis les années 1990 (voir ce rapport du Centre international pour la recherche en agroforesterie, p. 6, tableau 1).

Contrairement à ce qu’affirment parfois des ONG et des médias (voir par exemple ici), les orangs-outans ne devraient pas disparaître d’ici dix ou vingt ans. Aucune raison de se réjouir pourtant, mais ce n’est pas non plus une vérité qu’il faudrait cacher sous prétexte qu’elle pourrait nuire aux politiques de protection de l’espèce. Car comme le souligne un scientifique spécialisé dans l’étude de l’orang-outan de Bornéo, il est bien plus important d’identifier correctement les menaces qui pèsent sur cette espèce en péril pour pouvoir y répondre de façon efficace, que de tenir des propos alarmistes, alors que leur nombre a longtemps été sous-estimé et qu’ils disposent de capacités d’adaptation étonnantes.

Le tigre de Sumatra

Des trois espèces de tigres endémiques de l’Indonésie, le tigre de Bali et celui de Java ont disparu au cours du XXe siècle et le tigre de Sumatra (Panthera tigris sumatrae) est lui aussi placé sur la liste des espèces en danger critique d’extinction de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Une étude scientifique5 datée de 2017 a tenté d’estimer le nombre d’individus encore présents à Sumatra, en analysant des images prises par des pièges photographiques dans certaines zones, en identifiant les différents individus grâce à leurs rayures et en extrapolant les résultats pour donner une estimation générale sur l’ensemble de l’île. Au total, il n’existerait plus que 328 à 908 tigres de Sumatra à l’état sauvage, ce qui indiquerait une diminution du nombre de tigres de 16,7% en douze ans. Parmi les quinze écosystèmes de l’île qui comptent encore des tigres, seuls deux comptent une population viable à long terme, c’est-à-dire composée d’au moins 25 femelles reproductrices et dont l’habitat est suffisamment large pour permettre une augmentation du nombre d’individus. D’après une autre étude6 datée de 2016, en Indonésie et en Malaisie, plus de 17 700 km2 de concessions de palmiers à huile empiètent sur 14 zones protégées où vivent des tigres. La production d’huile de palme constitue ainsi l’une des principales menaces pour cette espèce en danger d’extinction.

Les éléphants

Deux sous-espèces d’éléphants d’Asie sont présentes en Indonésie et en Malaisie et sont menacées par la production l’huile de palme : l’éléphant de Bornéo (Elephas maximus borneensis) et l’éléphant de Sumatra (Elephas maximus sumatrensis), tous deux sur la liste rouge des espèces en danger critique d’extinction de l’Union internationale pour la conservation de la nature (voir ici et ).

Une étude datée de 20167 s’est ainsi intéressée à la fragmentation de l’habitat de l’éléphant de Bornéo dans la région de Sabah, l’une des deux régions malaisiennes de l’île, où sont concentrés la plupart des individus de l’espèce. Cette population est estimée à environ 2000 individus mais est menacée par la déforestation liée entre autres à la production d’huile de palme. Alors que les éléphants ont besoin de larges étendues de forêt pour vivre, la fragmentation de leur habitat et l’isolement des cinq populations principales de la région risque d’entraîner notamment une perte de diversité génétique, une augmentation de la consanguinité et finalement l’extinction de l’espèce. Comme le souligne une autre étude8, datée de 2017, les éléphants sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans des plantations de palmiers à huile pour rejoindre une autre parcelle de forêt, ce qui peut entraîner des dégâts et par conséquent des conflits avec les personnes dépendant de ces exploitations. Des cas d’empoisonnement ou d’électrocution d’éléphants ont ainsi été rapportés, tandis que les conflits avec les humains étaient presque inexistants avant l’expansion des plantations de palmiers à huile dans la région en 2002.

Sur l’île de Sumatra également, où le nombre d’éléphants est à peine plus élevé qu’à Bornéo, l’huile de palme est partiellement responsable de la réduction importante et la fragmentation de l’habitat de l’Elephas maximus sumatrensis, qui entraîne, comme à Bornéo, des conflits avec les humains9.

La partie émergée de l’iceberg

Les orangs-outans, les tigres et les éléphants sont loin d’être les seules espèces menacées par la production d’huile de palme en Asie du Sud-Est. Cependant, si j’ai insisté sur ces espèces, c’est parce que nous avons tendance à nous focaliser sur les mammifères, et en particulier les mammifères de grande taille, au détriment d’autres espèces comme les insectes, les oiseaux ou les reptiles. De plus, les orangs-outans sont souvent considérés comme des espèces porte-drapeau (voir par exemple ici, en anglais), c’est-à-dire des espèces dont le charisme et la popularité permet de lever plus facilement des fonds et de mettre en place des politiques de protection de la biodiversité qui profitent également à d’autres espèces. Quant à l’éléphant d’Asie, il est considéré comme une espèce parapluie (voir ici, en anglais), c’est-à-dire une espèce qui nécessite tellement d’espace pour vivre que la protection de son habitat entraînerait automatiquement la protection d’autres espèces10.

Dans une étude11 datée de 2006, des scientifiques ont comparé le nombre d’espèces d’oiseaux forestiers présentes dans les forêts et dans les plantations de palmiers à huile dans l’état de Johor, en Malaisie péninsulaire. Dans les palmeraies, les oiseaux ont été décomptés depuis 127 points de comptages sur une période de six mois. Parmi les 188 espèces d’oiseaux forestiers connues localement, seules 20% ont été observées dans des plantations de palmiers à huile, bien que le chiffre total d’espèces fréquentant ce type de milieu soit vraisemblablement sous-estimé, par exemple en raison de migrations saisonnières. Pourtant, si les oiseaux sont capables de trouver de la nourriture dans les palmeraies, aucune espèce ne semble y faire son nid, à une exception près. Il est donc vraisemblable que la présence d’oiseaux forestiers dans les plantations soit due à la proximité de forêts, situées à moins de 10 km, et que la proportion d’oiseaux forestiers dans des plantations plus lointaines soit inférieure. Ainsi, les plantations de palmiers à huile ne constituent pas un habitat satisfaisant pour une majorité d’espèces d’oiseaux de l’état de Johor en Malaisie.

Une étude similaire12, datée de 2008, a comparé le nombre d’espèces de papillons présentes dans les forêts primaires, les forêts dégradées et les plantations de palmiers à huile dans l’état de Sabah, dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo. L’utilisation de 98 pièges à banane dans deux concessions de palmiers à huile a montré un déclin du nombre d’espèces de papillons de 83% par rapport à des forêts primaires et 79% par rapport à des exploitations forestières.

En 2010, une autre étude13 a montré que conserver une parcelle de forêt au sein d’une plantation de palmiers à huile ne constitue pas une solution suffisante. Le comptage d’espèces et d’individus d’oiseaux dans l’état malaisien de Sabah, sur l’île de Bornéo, a permis d’estimer que les parcelles de forêt au sein de plantations de palmiers à huile abritent 1,8 fois moins d’oiseaux que les grandes concessions forestières, mais 60 fois moins d’oiseaux menacés d’extinction. D’après les auteurs de l’étude, pour remplir efficacement leur rôle de protectrices de la biodiversité, les parcelles de forêt devraient mesurer des centaines voire des milliers d’hectares, ce qui n’est pas le cas actuellement. De plus, les données récoltées ne permettent pas de conclure à une augmentation du nombre d’espèces et d’individus d’oiseaux dans les plantations dans lesquelles des parcelles de forêt sont conservées. Bien que d’autres stratégies puissent être mises en place pour favoriser la biodiversité au sein des plantations14, et bien que quelques rares espèces comme les lézards, les chauves-souris ou les abeilles s’adaptent très bien à ce nouvel environnement, la déforestation, liée en partie à la production d’huile de palme, semble ainsi menacer une partie très importante de la biodiversité locale, et non seulement des espèces emblématiques comme les orangs-outans.

Et sur les autres continents ?

En raison de l’augmentation de la demande en huile de palme, une expansion rapide des plantations de palmiers à huile est à craindre en Afrique tropicale. Comme en Asie du Sud-Est, une telle expansion menacerait la faune locale. En 2018, des scientifiques se sont ainsi intéressés aux risques qui pèseraient sur les primates, qui sont déjà menacés par les activités humaines puisque 37% des espèces d’Afrique continentale et 87% des espèces de Madagascar sont en danger d’extinction. L’étude15 a démontré que les zones qui conviennent le mieux au développement de l’industrie de l’huile de palme sont également des zones prioritaires pour la conservation de ces animaux. D’après les scientifiques, sur les 273 millions d’hectares qui sont plus ou moins propices à la plantation de palmiers à huile, seuls 3,3 millions d’hectares (soit 1,2%) sont situés dans des zones où les primates ne seraient pas ou peu affectés. Pire, les scientifiques ont déterminé que les « zones de compromis », où les palmiers à huile devraient s’implanter en priorité car le rendement serait le plus élevé et l’impact sur les primates moindre, ne représentent que 130 000 hectares (soit 0,05% des 273 Mha). Ces « zones de compromis » sont donc largement insuffisantes pour répondre à la demande croissante d’huile de palme dans les décennies à venir. Un problème supplémentaire étant que le développement de plantations dans des zones où les primates ne seraient pas vulnérables — principalement à Madagascar — pourrait menacer d’autres espèces. Au total, ce sont des dizaines d’espèces de primates qui seraient menacées par l’expansion des plantations de palmiers à huile en Afrique, sachant que la disparition des primates pourrait entraîner celle d’autres espèces puisqu’ils jouent un rôle important dans les écosystèmes locaux, par exemple en disséminant des graines.

Une autre étude16 datée de 2018 a montré qu’en Colombie, pays qui pourrait devenir le troisième producteur mondial derrière l’Indonésie et la Malaisie (voir ici, en anglais), les plantations d’huile de palme ne menacent que rarement la biodiversité puisqu’elles s’implantent la plupart du temps dans des zones déjà dégradées. Contrairement à l’Afrique, les zones propices au développement des palmeraies sont pour la plupart des zones où les espèces menacées d’extinction sont absentes. Ce sont malgré tout 74 espèces de vertébrés menacées, comme le singe laineux, qui se trouvent dans des zones qui conviennent à la production d’huile de palme. Au total, 10% des zones où des concessions de palmiers à huile pourraient s’implanter contiennent des écosystèmes menacés. Dès lors, le développement de l’industrie de l’huile de palme en Colombie ne se fera pas nécessairement au détriment des espèces animales, mais cela nécessite de mettre en place des politiques ambitieuses de planification des plantations qui garantissent la préservation des zones les plus riches en biodiversité. Or à Tumaco, des plantations ont déjà remplacé des forêts primaires et dans le bassin de l’Orénoque, elles se sont développées au détriment de la savane, des écosystèmes uniques riches en biodiversité.

Des écocides aux conséquences extrêmement graves

Des initiatives locales existent certes pour protéger les espèces menacées. Par exemple, les associations Sumatran Orangutan Society (SOS) et Yayasan Orangutan Sumatera Lestari (YOSL) ont lancé en 2018 une campagne de financement participatif pour racheter une plantation de palmiers à huile d’environ 360 hectares dans l’écosystème de Leuser, sur l’île de Sumatra, replanter la forêt et en faire un refuge pour les orangs-outans, les tigres et les éléphants, tout en offrant des emplois aux personnes qui travaillaient sur la plantation. Mais l’impact de telles campagnes semble extrêmement limité quand on pense que des scientifiques considèrent que nous faisons face à la sixième extinction massive sur la planète, décrite comme une « annihilation biologique ». Les auteurs de l’une des études17 qui mettent en évidence l’étendue de cette extinction massive – aussi bien par le nombre d’espèces qui risquent de disparaître que par le déclin d’une majorité d’espèces non menacées — préviennent que « l’humanité finira par payer un prix très élevé pour l’extermination de l’unique assemblage d’espèces connu dans l’univers » (voir également ici). Il est donc urgent de lutter contre toutes les causes de déforestation qui menacent la biodiversité, dont la production d’huile de palme fait partie.

Si les humains sont les victimes indirectes de la production d’huile de palme, parce que cette dernière aggrave le changement climatique et détruit la biodiversité dont dépend l’humanité pour sa survie, des personnes souffrent aussi directement de cette production, notamment en raison de l’accaparement de leurs terres. Ce sera l’objet de mon prochain article.

L’écotourisme peut-il sauver les orangs-outans ?

Une étude scientifique18 datée de 2016 a tenté d’évaluer les conséquences positives et négatives de l’écotourisme pour la protection de différentes espèces en danger d’extinction, dont les orangs-outans. Le tourisme a de nombreuses conséquences négatives qui peuvent accroître la mortalité de ces espèces, notamment la création d’infrastructures à destination des visiteur·euse·s, le bruit causé par les moteurs de voitures ou bateaux, ou encore la présence humaine qui perturbe la vie quotidienne des animaux.

Pourtant, au niveau mondial, les parcs naturels nationaux reçoivent jusqu’à 84% de leur financement grâce à l’écotourisme. Or l’existence de tels parcs est essentielle à la survie de nombreuses espèces menacées, parce qu’il s’agit d’un espace protégé de la déforestation, dans lesquels sont fournis des soins vétérinaires et sont mis en place des programmes de prévention contre le braconnage, de reproduction en captivité ou encore de sensibilisation auprès des populations locales.

Ainsi, pour la plupart des espèces, les effets positifs de l’écotourisme dépassent largement ses effets négatifs, même s’il y a des exceptions, notamment dans le cas du lion de mer de Nouvelle-Zélande, pour lequel l’écotourisme semble accélérer le déclin. Parmi les espèces étudiées, les conséquences positives de l’écotourisme sont les plus marquées dans le cas des orangs-outans, qui disparaîtraient sans la présence de visiteur·euse·s, mais dont le nombre d’individus pourraît croître si l’écotourisme se développe largement.

Notes


1. M. Voigt et alii, « Global Demand for Natural Resources Eliminated More than 100,00 Bornean Orangutans », Current Biology 28, 5 (2018). Voir ici pour un résumé en français. [RETOUR]
2. M. Ancrenaz et alii, « Of Pongo, palms and perceptions: a multidisciplinary assessment of Bornean orang-utans Pongo pygmaeus in an oil palm context », Oryx 49, 3 (2015), p. 465-472, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
3. S. Wich et alii, « Land-cover changes predict steep declines for the Sumatran orangutan (Pongo abelii) », Science Advances 2, 3 (2016), à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
4. A. Nater et alii, « Morphometric, Behavioral, and Genomic Evidence for a New Orangutan Species », Current Biology 27, 22 (2017) (en anglais). [RETOUR]
5. M. S. Luskin et alii, « Sumatran tiger survival threatened by deforestation despite increasing densities in parks », Nature Communications 8 (2017), article no 1783, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
6. A. Joshi et alii, « Tracking changes and preventing loss in critical tiger habitat », Science Advances 2, 4 (2016), à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
7. B. Goossens et alii, « Habitat fragmentation and genetic diversity in natural populations of the Bornean elephant: Implications for conservation », Biological Conservation 196 (2016), p. 80-92 (en anglais). [RETOUR]
8. R. Suba et alii, « Rapid Expansion of Oil Palm is Leading to Human-Elephant Conflicts in North Kalimantan Province of Indonesia », Tropical Conservation Science 10 (2017), à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
9. Voir entre autres A. Sitompul et alii, « Ecosystem Restoration Concessions: A New Strategy for Conserving Elephant Habitat in Sumatra? », Gajah 34 (2011), p. 26-31, à télécharger ici et S. Mariati et alii, « Habitat Loss of Sumatran Elephants (Elephas maximus sumatranus) in Tesso Nilo Forest, Riau, Indonesia », Australian Journal of Basic and Applied Science 8, 2 (2014), p. 248-255, à télécharger (en anglais). [RETOUR]
10. Sur les notions d’espèce porte-drapeau et espèce parapluie, qui sont souvent utilisées de façon incorrecte, voir M. Barua, « Mobilizing metaphors: the popular use of keystone, flagship and umbrella species concepts », Biodiversity and Conservation 20 (2011), p. 1427-1440 (en anglais). [RETOUR]
11. K. Peh et alii, « Conservation value of degraded habitats for forest birds in southern Peninsular Malaysia », Diversity and Distributions 12, 5 (2016), p. 572-581, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
12. L. P. Koh, D. Wilcove, « Is oil palm agriculture really destroying tropical biodiversity? », Conservation letters 1, 2 (2008), p. 60-64, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
13. D. Edwards et alii, « Wildlife-friendly oil palm plantations fail to protect biodiversity effectively », Conservation letters 3, 4 (2010), p. 236-242, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
14. Voir à ce sujet W. Foster et alii, « Establishing the evidence base for maintaining biodiversity and ecosystem function in the oil palm landscapes of South East Asia », Philosophical Transaction of the Royal Society B 366 (2011), p. 3277-3291, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
15. G. Strona et alii, « Small room for compromise between oil palm cultivation and primate conservation in Africa », PNAS (2018), à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
16. N. Ocampo-Peñuela et alii, « Quantifying impacts of oil palm expansion on Colombia’s threatened biodiversity », Biological conservation 224 (2018), p. 117-121 (en anglais). [RETOUR]
17. G. Ceballos et alii, « Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines », PNAS 114, 30 (2017), p. E6089-E6096, à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]
18. R. Buckley et alii, « Net effects of ecotourism on threatened species survival », PLoS ONE 112, 2 (2016), à télécharger ici (en anglais). [RETOUR]

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